Publié le 06-03-2018

Immobilier : Toute la vérité sur les prix !

Objet d’un rare consensus populaire en Tunisie : la cherté des prix de l’immobilier ! Chacun y allant de son avis cinglant sur le niveau des prix atteint avec en ligne de mire les promoteurs immobiliers coupables aux yeux de tous de chercher à s’enrichir déraisonnablement sur le dos de la classe moyenne. Mais à y regarder de plus près, les choses ne sont pas aussi simples et les responsabilités multiples. Enquête !



Immobilier : Toute la vérité sur les prix !

Par samir Bouzidi - Fondateur d’Allobledi*

Le piège du m2 et des taux d’intérêts élevés !

Dans le « Grand Tunis », avec d’une part la fourchette des prix dans le neuf variant de 1600 à 4000 Dt/m2 et d’autre part des superficies moyennes à la vente de l’ordre de 140 m2, le budget moyen d’acquisition culmine à 250 000 Dt soit au final 450 000 Dt si l’on applique les taux de crédit du moment (8,5% sur 20 ans). Un rêve hors de portée pour la très grande majorité des acheteurs potentiels !

Tant que la croissance était au rendez-vous, les gains de pouvoir d’achat ont masqué l’effet des prix de l’immobilier et des taux d’intérêts bancaires déjà relativement élevés. La récession économique post révolution a ébranlé ces mêmes capacités financières des familles et a détrôné leur idéal d’accession à la propriété. Et les mentalités commençant même à intégrer l’idée que ne pas être propriétaire à 40 ans n’était pas pour autant synonyme d’échec ! L’auto-construction et surtout la location longue durée tendant à s’imposer comme des alternatives solides et de circonstances. La baisse actuelle significative des loyers à Tunis ayant fini de convaincre les derniers indécis !

En définitive, les prix actuels de l’immobilier auraient pu être acceptables dans un contexte de taux de crédit bas comme c’est le cas au Maroc. Dans ce pays, les prix de l’immobilier à Casablanca sont en moyenne 35% + élevés qu’à Tunis mais à la faveur de taux d’intérêts des crédits immobiliers plus bas qu’en Tunisie (taux à 20 ans : 4,5% au Maroc contre 8,5% en Tunisie), il en coute au final moins cher d’acheter son appartement à Casablanca qu’à Tunis.

Pas assez d’offres économiques et trop d’offres « haut-standing »

Les dernières années fastes ont confirmé les promoteurs dans leur stratégie à tout-va pour les programmes « haut-standing » plus lucratifs en termes de marge au détriment des offres de logements économiques et sociaux. Principale conséquence aujourd’hui, le déséquilibre structurel du marché caractérisé par une surabondance d’offres à des niveaux de prix supérieurs à 2000 dt/m2 (7 offres sur 10 dans le « Grand Tunis » sont des programmes « haut-standing ») alors que le budget des clients pour un S+2 plafonne à 1500 dt/m2 soit une enveloppe maximale de 200 000 dt ! Dans ce marasme, il n’est pas surprenant de voir que le segment des petits prix (moins de 1000 dt/m2) et celui du luxe (car moins de dépendance des clients au crédit) figurent parmi les plus dynamiques du marché sur le « Grand Tunis ».

Soulignons que cette situation est spécifique à la capitale et sa banlieue ! A Sousse, Hammamet, Sfax, Bizerte…le marché s’équilibre davantage avec une profusion d’offres autour de 1500DT/m2. A Sousse et Sfax, on note même une tendance à la baisse des prix dans le neuf, signe que le marché se régule naturellement.

A chacun de revoir vite ses plans…

Le marché de l’immobilier est un système à bout de souffle depuis des années qu’il faut avoir la sagesse de déconstruire pour le relancer durablement. Et c’est là la principale opportunité de la crise actuelle !

L’urgence est d’abord à la sortie de la crise qui ne pourra s’opérer qu’au prix d’une reprise en mains par les pouvoirs publics. Le chantier du « déstockage » des biens dans le « Grand Tunis » s’annonce périlleux face à des promoteurs et des banquiers qui campent chacun sur leurs marges.
Maillons forts pour certains ou maillons faibles pour d’autres, les promoteurs restent les piliers du secteur mais ils doivent se résigner à revoir leurs pratiques de marges (entre 70 et 90 % de marge commerciale sur le segment du haut-standing) qui ne sont plus en phase avec les moyens financiers actuels de leurs clients. Parmi eux, les professionnels qui ont construit sur des terrains acquis il y a dix ans et donc à des tarifs raisonnables (moins de 1000Dt /m2) doivent montrer l’exemple ! Les banques doivent accompagner ce mouvement de déflation en acceptant d’abaisser les charges financières des promoteurs en difficultés. Enfin et surtout, l’Etat doit prendre la pleine mesure du pouvoir d’achat des familles en imposant des mécanismes d’aide au logement pertinents et percutants. Le lancement hasardeux du programme « Premier logement » en juin dernier traduit le chemin qui reste à accomplir pour une administration peu en phase avec les réalités de la demande !

Il sera alors temps de réformer en profondeur tout un secteur qui passe inexorablement par une régulation plus énergique du marché par les pouvoirs publics et une intégration marketing des promoteurs. Ces derniers doivent se persuader qu’il est désormais tout aussi capital de savoir décrypter et satisfaire les nouvelles exigences de la demande (budgets limités des clients, appartements plus petits mais avec des chambres d’enfants plus grandes etc.) que maitriser ses coûts d’achat de terrain et de construction. En somme, amorcer une révolution culturelle dans la profession qui pourrait atténuer les effets inéluctables de la hausse structurelle des coûts de construction (cherté des terrains, hausse des matériaux…) des futurs programmes.

Chaque crise est une nouvelle chance. A chacun de revoir ses plans !

www.allobledi.tn

*Allobledi est la toute nouvelle plateforme qui accompagne les Tunisiens de l’étranger qui souhaitent investir au « pays » : immobilier, création d’entreprises…
 



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