Publié le 06-03-2018
Human Rights Watch : Les poursuites contre les artistes doivent être abandonnées
Nadia Jelassi et Mohamed Ben Slama, dont les œuvres étaient montrées dans une exposition de La Marsa en juin 2012, pourraient écoper d’une peine allant jusqu’à cinq ans de prison s’ils étaient reconnus coupables. Leur travail multimédia avait provoqué des manifestations pendant l’exposition.
« À maintes reprises, les procureurs se sont servis de la législation pénale pour étouffer l’expression critique ou artistique », a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Des blogueurs, des journalistes et à présent des artistes sont poursuivis pour avoir exercé leur droit de s’exprimer librement ».
La contribution de Jelassi à l’exposition « Printemps des arts » était une œuvre intitulée Celui qui n’a pas…, contenant des sculptures de femmes voilées émergeant d’un amas de pierres. La contribution de Ben Slama représentait une file de fourmis sortant d’un cartable d’écolier et formant le mot « Subhan Allah ».
Jelassi a déclaré à Human Rights Watch qu’elle avait reçu un coup de téléphone de la police judiciaire quelques jours après les incidents, l’informant qu’une enquête avait été ouverte sur les événements « d’Al Abdelliya ». Le 17 août, elle s’est rendue au tribunal de première instance de Tunis, à leur demande, et le juge d’instruction du deuxième bureau l’a informée qu’elle était accusée de « nuire à l’ordre public et aux bonnes mœurs » selon l’article 121.3 du code pénal. Le 28 août, le juge d’instruction l’a interrogée.
« J’avais l’impression d’être au temps de l’Inquisition », a-t-elle déclaré à Human Rights Watch. « Le juge d’instruction m’a demandé quelles étaient les intentions derrière mes œuvres visibles à l’exposition, et si j’avais voulu provoquer les gens à travers ce travail ».
Le comité des droits de l’homme des Nations Unies a proclamé que les lois interdisant les discours jugés irrespectueux envers une religion ou un autre système de croyances étaient incompatibles avec le droit international, en dehors des circonstances très limitées où la haine religieuse revient à inciter à la violence ou à la discrimination.
L’affaire est au moins la quatrième dans laquelle les procureurs se sont servis de l’article 121.3 du code pénal pour émettre des accusations pour des discours jugés contraires aux bonnes mœurs et à l’ordre public, depuis la constitution de la nouvelle Assemblée nationale constituante du pays, en novembre 2011.