Publié le 06-03-2018
En photos : Wajdi Cherif au Jazz à Carthage 2013
Encore sous le charme du concert d’hier, nous voici bon pied bon oeil et surtout les oreilles grandes ouvertes pour cette seconde soirée.
Le pianiste Wajdi Cherif ouvrait les hostilités. Si l’on peut dire, tant sa démarche est pacifique. Trop même, aux dires de ma voisine d’un soir. Il est vrai que si j’avais personnellement été touché par la grâce de l’album « Jasmine », je ne retrouvais pas cette magie. Mr Wajdi est tout sauf un showman et la musique qu’il joua fut parfaite, ses présentations moins. Cheer up, souriez cher ami, ne soyez pas le Buster Keaton du Jazz.
Le set de ce soir s’intitulait « The New York Journal ».Pour les musiciens, New York est la Mecque du jazz et Wajdi Cherif ne fait pas exception à la règle. Il en rapporta une expérience séduisante, comme ce titre relatant le bruit des rues de la « grosse pomme ». Il versa quelque peu dans le jazz d’un concertiste, son immense technique peut le lui permettre. Il démarra par une énergétique version de « A night in Tunisia », cheval de bataille du tandem Parker/Gillespie, cependant munie d’une introduction à rallonge, trop peut-être pour une entame de concert. Elevé au lait du grand Bill Evans, il interpréta un très beau Nardis. Curieux thème, anagramme de Sidran ( Ben ? ) composé par Miles Davis et… que celui-ci n’a jamais enregistré ! Bill Evans, abondamment. Wajdi mentionna Ahmad Jamal, le pianiste vénéré des pianistes. Question : on fait quoi quand on n’est pas pianiste ? Il y eut encore le thème du film M.A.S.H. ( suicide is painless ) et un standard du répertoire américain parmi de solides compositions personnelles.
La seconde partie de Mohamed-Ali Kammoun fut à l’image de son prénom de boxeur poids-lourd. Un punch à vous dévisser la tête, un enthousiasme débordant, un swing dévastateur et un ancrage puissant dans la tradition.
Le concert débuta par la folie d’un épisode « free jazz » mais le reste de la soirée ne conserva du jazz que la pulsation rythmique, entretenue par la basse électrique ( seul instrument de la musique occidentale moderne du groupe ) et la percussion. Parlons-en de cette percussion, elle fut tout simplement miraculeuse et Jihed Khémiri nous gratifia d’un solo extraordinaire dès le premier morceau. Une frappe d’acier, un tempo du diable et une richesse dans la variété des figures. Je n’avais rien entendu de tel depuis Armando Peraza avec Santana, dan un style évidemment différent.
Le chant Soufi nous émerveilla et un moment j’ai pensé que Milton Nascimento n’aurait pas désavoué les modulations chaudes et chatoyantes de Hamdi Makhlouf, par ailleurs auteur d’un solo de luth ébouriffant, avec ces inflexions chères au sitar de l’Inde.
Enfin, les notes acidulées du nay ( flute arabe ) de Ichem Badrani vinrent porter l’ensemble à un haut degré de réjouissance.
Et le piano fou du leader emmena tout ce beau monde vers une constante ébullition.
Un concert qui comptera dans la galaxie des plus enthousiasmantes prestations.