Publié le 05-03-2025
Ibrahim Debache : Il est temps qu'on passe d’un pays low cost à un pays Best Cost
Le secteur automobile en Tunisie traverse une période charnière. Entre défis économiques, crise du marché et opportunités de développement, Ibrahim Debache, président de la Chambre syndicale des concessionnaires automobiles, livre son analyse et ses recommandations pour une industrie plus compétitive et durable.

L’industrie automobile tunisienne est un pilier important de l’économie nationale. Selon Ibrahim Debache, « la production des composants automobiles et leur distribution sont indissociables, car elles permettent à la Tunisie de se doter d’un véritable levier industriel ». Depuis les années 90, la coopération industrielle a permis de structurer ce secteur, mais les enjeux actuels nécessitent une réévaluation profonde des politiques en place.
Une industrie sous-exploitée
L’un des principaux constats dressés par Ibrahim Debache est que la Tunisie doit passer d’un modèle "low cost" à un modèle "best cost". « Il faut mettre en avant l’innovation et le savoir-faire tunisien en matière de recherche et développement », affirme-t-il. Cela implique un investissement accru dans la modernisation des infrastructures et dans la formation des talents locaux.
Une pénurie de véhicules préoccupante
Le marché automobile tunisien est marqué par une pénurie croissante de véhicules, impactant directement les consommateurs et les entreprises. « Aujourd’hui, plus de 50 % du parc automobile a plus de 15 ans, ce qui pose des problèmes de sécurité et de consommation énergétique », alerte Debache. Ce vieillissement du parc entraîne également une augmentation des importations de pièces de rechange usées, avec des conséquences environnementales et sécuritaires inquiétantes.
Une demande insatisfaite
Selon les estimations du secteur, la demande annuelle en véhicules neufs s’élève à 80 000 unités, mais l’offre ne suit pas. « Nous avons un déficit important qui pousse les consommateurs vers des solutions alternatives, souvent au détriment de la qualité et de la sécurité », souligne Debache. Cette situation résulte en partie de réglementations restrictives et d’un manque de visibilité sur les politiques d’importation.
Un secteur fiscalement asphyxié
Les concessionnaires automobiles font face à une pression fiscale excessive. « Nous sommes parmi les secteurs les plus taxés avec un impôt sur les sociétés de 35 %, ce qui freine notre développement », regrette Debache. Cette fiscalité lourde impacte la compétitivité du marché et limite la capacité des entreprises à investir et à se développer.
L’impact environnemental en question
Le retard pris dans le renouvellement du parc automobile a également un impact écologique majeur. « Nos véhicules anciens consomment plus de carburant et génèrent plus d’émissions polluantes », explique Debache. Face à cette réalité, il plaide pour une politique favorisant l’importation de véhicules neufs et plus économes en énergie.
Une ouverture du marché encore insuffisante
Bien que le nombre de concessionnaires et de marques représentées en Tunisie ait considérablement augmenté, la disponibilité des véhicules reste problématique. « Nous avons aujourd’hui plus de 60 marques représentées et 37 concessionnaires, mais le citoyen tunisien peine toujours à trouver un véhicule disponible immédiatement », déplore Debache.
Un partenariat avec les autorités indispensable
Le secteur automobile tunisien doit travailler en étroite collaboration avec les autorités pour garantir son développement. « Nous avons toujours été des partenaires privilégiés du ministère du Commerce, mais il est temps d’aller plus loin et de mettre en place une véritable stratégie de développement », plaide Debache.
Un appel à l’action
Face aux nombreux défis du secteur, Ibrahim Debache lance un appel aux décideurs : « Il est crucial de prendre des mesures fortes pour moderniser notre industrie automobile et répondre aux besoins des Tunisiens ». Pour lui, la Tunisie a tous les atouts pour devenir un hub régional de l’automobile, à condition d’adopter une vision à long terme et d’investir dans l’innovation et la qualité.
L’industrie automobile tunisienne est à un tournant décisif. Entre défis structurels et opportunités de croissance, Ibrahim Debache insiste sur la nécessité de réformer en profondeur ce secteur stratégique. Pour lui, la modernisation et la régulation du marché sont les clés pour faire de la Tunisie un acteur majeur de l’industrie automobile en Afrique et au-delà.
