Publié le 06-03-2018
Mabrouka, victime de violences parce que de couleur noire… quand Andi Ma Nkollek aborde le racisme
Mabrouka, 34 ans, est une citoyenne tunisienne noire, mariée depuis 2 ans et victime de violences. Son seul tort est de s’être marié à un homme plus clair de peau.
Dans le dernier épisode de l’émission de télé crochet ‘Andi ma nkollek’ sur la chaine Alhiwar Attounissi, une énième femme tunisienne est venue dénoncer les violences conjugales qu’elle a subies.
Il s’agit de Mabrouka une femme tunisienne de 34 ans qui a fui le foyer conjugal n’en pouvant plus des violences verbales et physiques dont elle était victime de la part de son mari et de sa belle-mère.
Cette dernière n’a jamais accepté l’idée que son fils épouse une femme noire « Oussifa » comme elle se plaisait à l’appeler (oussif en arabe signifie esclave).
Mabrouka accuse d’ailleurs sa belle mère de violences, elle l’aurait même poussée alors qu’elle était enceinte de son premier enfant, lui causant une interruption de grossesse.
Enième victime de violence à se retrouver sur un plateau télé
En Tunisie les chiffres nous parlent de 47% de femmes victimes de violences en Tunisie.Encore une fois l'une de ces victimes a été, hier, livrée en pâture à des téléspectateurs avides d’histoires croustillantes de couples et de familles qui se déchirent. L’animateur, lui, longtemps accusé de banaliser la violence à l’égard des femmes semblait vouloir faire des efforts : « la violence c’est la violence » adresse-t-il à Mabrouka en parlant du mari.
Mais, chassez le naturel, il revient au galop… à un moment de l’émission le présentateur tente de détourner le problème du racisme dénoncé par Mabrouka (invitée par son mari) en renvoyant vers l’âge de la concernée (plus âgée que son mari) et en la culpabilisant.
« il t’a demandée en mariage, tu as accepté, maintenant tu dois assumer » lui dit-il à un moment pour l’inciter à repartir avec son mari.
Le racisme un phénomène de société, un tabou
Quand on évoque le racisme auprès des Tunisiens, les « mais non », « il ne s’agit que de cas isolés » pleuvent. Pourtant le phénomène est là et est de plus en plus dénoncé via des marches, des actions et même de projets de loi.
Mabrouka raconte son calvaire : un épicier qui refuse de lui vendre du pain, un chauffeur de taxi qui refuse de l’emmener mais surtout tout un quartier qui la rejette parce qu’un « blanc » ne doit pas épouser une noire.
« Au café quand on est ensemble, les gens me regardent de travers » raconte-t-elle.
Séquelle de l’esclavage pourtant aboli par décret du Bey en 1846, le racisme n’a pas disparu. Il refait surface notamment lors d’unions comme dans le cas de Mabrouka et de son mari.
Dans certaines régions, être noir c’est être descendant d’esclave et il ne faut pas se mélanger avec les autres.
Dans le gouvernorat de Médenine, deux villages mitoyens El Gosba et Derouj sont séparés par les frontières de la couleur : un bus pour les noirs, un bus pour les blancs, une école pour les noirs, une autre pour les blancs.
« J’ai un problème avec mon mari, avec sa mère, avec toute la société » annonce Mabrouka qui ne repartira pas avec son mari après l’émission.
Cette société qui devra nécessairement reconnaitre les maux qui la rongent pour diagnostiquer et soigner ses maladies.
Hajer Boujemâa